Chéris ton futur ! Cette injonction n’est autre que le titre du nouvel album de Barbara Carlotti. La chanteuse conjure la morosité ambiante avec un album pop solaire et galvanisant, inspiré en partie par l’Italie.
Le climat géopolitique et écologique mondial ne préfigure rien de bon, et pourtant vous nous invitez à prendre la vie du bon côté. Comment donc chérir notre futur ?
Barbara Carlotti : On n’a pas tellement le choix. On se sent tellement acculés par le contexte complètement délétère. Chaque jour, les nouvelles semblent plus catastrophiques et j’avais besoin en premier lieu de rentrer dans l’action, de ne pas être passive. Pour le clip de « Chéris ton futur », Philippe Katerine a eu l’idée de transposer la chanson en m’enterrant jusqu’au cou dans le sable, incapable de pouvoir agir jusqu’à ce que je m’en libère. C’est une métaphore hyper belle. Soit, on se sent incapables d’agir, soit, en réaction, on célèbre le mouvement de la vie. Regarder l’horizon et les éléments me semblait un beau programme. Célébrer la beauté est aussi une idée très présente dans le disque. Et ce qui nous donne des émotions, rester infiniment sensibles au monde.
Vous avez trouvé de la beauté en Italie. « La Chamade », « Roma Amor », « Le Syndrome de Stendhal » semblent inspirées par votre résidence à la Villa Médicis…
Tout a commencé avec ma découverte d’Andrea Laszlo De Simone, dont la musique m’a redonné le goût à la pop italienne. Je l’écoutais beaucoup et c’était assez présent quand je travaillais sur le disque. Curieusement, dans le même temps, j’ai entendu parler des résidences pour écrire à Rome, à la Villa Médicis. J’ai candidaté. Puis j’y suis allée trois semaines pour finir d’écrire mon album. C’était juste après le covid, j’avais été très malade, je sortais de plusieurs épisodes un peu handicapants et j’étais heureuse de quitter mon petit appartement parisien pour un cadre délicieux (Sourire). J’avais besoin de soleil, de parfums et de lumière comme il y en a en Italie. J’aime la dolce vita italienne, marcher dans le jardin d’agrumes de la villa, y prendre un café avant de retourner travailler dans ma chambre… Cette atmosphère, la proximité avec Cinecitta, la villa Médicis qui est très belle, tout en haut d’une colline d’où l’on voit tout Rome, les œuvres d’art italiennes de l’Antiquité à nos jours. Tout cela m’a totalement habitée, je suis passée du confinement et la maladie à cet endroit et c’était… divin (Rires) !
Il y a la maladie, mais aussi la mort. Vous en parlez avec humour « Elle t’attend dans tous les recoins/Avec ta perche à selfie sur le bord du ravin » (« Chéris ton futur ! »), mais on a l’impression que la faucheuse vous préoccupe…
Avec les menaces de guerre, les virus, les conflits au Moyen-Orient, la guerre en Ukraine, elle est tout le temps présente dans les actualités. Je ne sais pas qui peut y échapper. Le covid nous a aussi donné une terrible angoisse de notre fragilité en tant qu’être humain. Et puis on prend de l’âge, on voit vieillir ses parents. Philippe Katerine aussi en parle…
Vous collaborez régulièrement avec lui. Pourquoi lui avez-vous proposé de chanter « L’Inconnu » ?
C’est un ami de longue date. Dans la chanson française, c’est l’un de mes modèles depuis très longtemps. Il a, comme Étienne Daho, façonné mon idée de la pop. J’avais envie qu’il m’accompagne. Je trouvais intéressant que la chanson soit habitée par sa présence (Sourire) et aussi parce que c’est un musicien hors pair. On chante aussi l’abécédaire ensemble dans « B.A B-A » et je crois qu’inconsciemment, j’avais en tête son abécédaire (« The French Alphabet », ndlr.). C’est aussi une reconnaissance de ce qui transite dans nos musiques.
Guitares saturées, parfums sixties ou bon vieux rock, votre pop est plus hybride que jamais. Maxime Daoud co-réalise et arrange l’album. Que vous a-t-il apporté ?
Sur « Fantôme atomique », le premier morceau sur lequel on a travaillé ensemble, j’ai eu l’impression qu’il mettait des harmonies de l’amour, du beau et du bon. Il a le sens des rythmiques qui donnent envie de danser. Dans le programme de « Comment chérir son futur » (rires) il y a aussi la joie dans le mouvement ! Je suis heureuse que ce disque me mette dans cette pulsation. Il y a de très belles harmonies aussi. Maxime Daoud ajoutait des notes nouvelles à mes accords. D’un point de vue métaphorique, je trouve très beau de voyager dans les harmonies. C’est aussi l’expérience de la vie ce passage à différentes couleurs et atmosphères. Chérir son mouvement, c’est voir aussi la métamorphose. J’ai trouvé du réconfort dans ma musique, si elle peut avoir ce rôle pour les autres, je serais tellement heureuse !
Barbara Carlotti Chéris ton futur ! (La Maison des Rêves) 2025
Par :Marjorie Bertin
RFI Musique :