C’est la nouvelle étoile de la néo-soul et du r’n’b à la française. Après deux EPs remarquées, l’autrice et compositrice Enchantée Julia sort le lumineux Onze. Un premier album, sensible et sophistiqué, sur lequel, de sa voix aérienne et ondoyante, son groove révèle avec finesse sa vulnérabilité. Rencontre.
Enchantée Julia a quelques minutes de retard pour notre rendez-vous. Ce n’est pas bien grave et nous étions prévenus. Perfectionniste, à quelques jours de la sortie d’un album sur lequel elle a participé à chaque étape de la création, depuis l’écriture jusqu’au mastering par Dave Kutch (Billie Eilish, Outkast, Beyoncé, etc.), elle achève la mise en ligne sur les réseaux sociaux des liens permettant d’acheter des billets pour son concert au Trianon (qui aura lieu le 3 avril 2025). Une joie et une impatience immenses. « C’est tellement ce que je préfère ! C’est l’endroit où j’ai envie d’être. Les vibrations y sont géniales », nous raconte celle qui a organisé, pendant des années, à Paris, des jams dans un club et restaurant brésilien.
Si la scène est aussi importante pour Enchantée Julia, c’est également parce qu’elle y a fait ses armes. Après avoir grandi dans un village du sud de la France, c’est à l’âge de vingt ans qu’elle rejoint sa sœur ainée à Paris. Formée au piano, mais très dissipée, celle qui a abandonné tôt le conservatoire, préférant relever les notes à l’oreille, s’inscrit pourtant dans une école de musique.
Elle devient choriste pour de nombreux artistes. « C’est une mise au service de la musique. En tournée, on dort dans un bus, on se douche le matin, en arrivant dans les salles. On y apprend la rigueur, il y a beaucoup d’aspects techniques. J’adore faire des cœurs, c’est dans l’ADN de la soul et du r’n’b », explique Enchantée Julia avec enthousiasme.
Influences multiples
Cette rigueur et cette maîtrise technique sont saisissantes à l’écoute de ONZE, écrit et composé dans la maison familiale, Les Santolines. Enchantée Julia leur dédie une chanson éponyme où l’on entend le chant des cigales locales. Elle y a grandi, entourée de ses deux sœurs et de ses parents, créateurs d’un festival de musique classique et amis de Claude Nougaro.
Ado, la découverte de l’Américaine Erykah Badu est une révélation Elle sera chanteuse. À sa manière. « Il y a une opacité sur ce qu’est le r’n’b en France. On ne peut pas faire comme les Anglo-Saxons et les Américains. Mais, j’aime jouer avec les mots et le groove. Daniel Caesar, mais aussi le rap français, Wallen et les Nubians m’ont énormément inspirée. Tout comme Teri Moïse et Corneille ».
Parcours de la combattante
NewsletterRecevez toute l’actualité internationale directement dans votre boite mailJe m’abonne
Enchantée Julia a trouvé sa voix. Déterminée à chanter sa propre musique, elle s’est entourée d’une équipe soudée, dont son mari, le rappeur Prince Wally avec lequel elle chante Onze, qui raconte leur première rencontre. Apaisée après quelques déboires avec l’industrie musicale qu’elle aborde avec groove, « j’ai manqué d’armes et j’ai fait quelques mauvais choix », sur l’atmosphérique Leitmotiv.
Sans amertume, elle les analyse avec lucidité. « Il y a beaucoup de préjugés quand vous êtes une jeune chanteuse qui débarque du Sud avec une musique pas du tout émergente, groovante, teintée de soul et de r’n’b. On me disait que ça n’existe plus, on ne comprenait pas ce que je faisais. J’ai senti du mépris, de l’incompréhension, notamment de la part des programmateurs ».
Forte et fragile
Depuis, Enchantée Julia a pris son envol. Elle le célèbre sur l’aérienne Cygne, qui ouvre son disque, mais aussi sur Save Me et Ballade, dont la soul raffinée flirte avec le r’n’b. Des chansons dans lesquelles elle évoque des appels au secours et moments de tristesse. Une mélancolie que la chanteuse ne récuse pas. « J’ai l’impression d’être forte, mais je suis aussi ultra-sensible. J’ai beaucoup de moments de remise en question, de contemplation. Je suis très spirituelle, j’envoie beaucoup de messages aux anges », nous raconte cette fan de numérologie – d’où le titre de son album, doté aussi de onze chansons.
Forte et fragile, Enchantée Julia chante l’amour avec douceur. La Sève, ballade folk à la guitare, en est une illustration enveloppante. « Peu importe les doutes », y chante-t-elle. Il faut prendre soin de son cœur (Go). Installée à Paris, son Luberon reste son refuge, c’est là qu’elle a composé et écrit son album, entourée d’artistes qui la soutiennent et qu’elle tient à nommer. « Tout est né de compositions de Lablue, Tices, Antonin Fresson, Crayon, Daniel Malet et Marc-Antoine Perrio, mon mari et Clément Caritg de chez Noble studio avec qui on a tout chapeauté. La magie est née dans cet endroit magnifique en face des montagnes », nous explique celle qui a besoin de sentir la terre et l’herbe sous ses pieds. Des accords qu’ils lui ont proposés, Enchantée Julia a fait son miel avec ces chansons qui réchauffent l’automne. Par :Marjorie Bertin