Lors de la réunion des États parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, organisée du 3 au 7 mars à New-York, l’observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations unies a exprimé sa préoccupation quant au retour d’une «rhétorique basée sur la dissuasion» et au «spectre dangereux des menaces nucléaires». Mgr Gabriele Caccia appelle à un «changement de priorités» en faveur de la sécurité et du développement humain intégral.
Isabella H. de Carvalho – Cité du Vatican
«Il est impératif de réévaluer les priorités actuelles, avec des investissements directs vers un paradigme de paix et de sécurité défini par la fraternité, plutôt que par la dissuasion et l’escalade militaire». Tel est l’appel lancé par Mgr Gabriele Caccia, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations unies, lors de la troisième réunion des États parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires qui se tient du 3 au 7 à New York. Dans son discours ce 4 mars, l’archevêque a exprimé la préoccupation du Saint-Siège face au «retour d’une rhétorique basée sur la dissuasion» qui a «ravivé le spectre dangereux des menaces nucléaires» et a souligné la responsabilité de la communauté internationale dans la garantie d’un avenir sûr pour les nouvelles générations.
Les conséquences durables des armes de destruction massive
Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), entré en vigueur le 22 janvier 2021, est le premier instrument juridiquement contraignant à interdire complètement les armes nucléaires. À ce jour, il a été ratifié par 73 États, dont le Saint-Siège. Rappelant cette année le 80e anniversaire du bombardement atomique des villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki, les 6 et 9 août 1945, Mgr Caccia a réitéré l’extrême importance de reconnaître aujourd’hui «les souffrances inégalées causées par ces armes de destruction massive». Ces instruments militaires ont laissé «des effets négatifs profonds et durables» et ont «irrévocablement altéré» les communautés touchées, même d’une génération à l’autre. Les armes nucléaires ont causé des dommages «non seulement en termes de pertes de vies humaines immédiates, mais aussi en termes de conséquences psychologiques, culturelles et environnementales à long terme», a souligné l’observateur permanent.
Il a également qualifié de «profondément déconcertante» l’augmentation des conflits et des divisions dans le monde, ainsi que le «sentiment croissant de méfiance et de peur» qui a «un effet néfaste sur les relations internationales, avec pour conséquence que l’architecture du désarmement est gravement compromise, tandis que les dépenses militaires augmentent de façon spectaculaire».
Un changement de priorités inquiétant
Au lieu d’utiliser les fonds pour «relever les défis mondiaux urgents, notamment la pauvreté et la faim», trop d’États «réorientent de plus en plus des ressources précieuses vers la construction d’armes», a fait remarquer le représentant du Vatican. Au nom du Saint-Siège, il s’est dit préoccupé par ce «changement de priorités». L’appel est donc de réorienter les investissements vers la «sécurité», le «développement humain intégral» et la «paix». Dans le monde d’aujourd’hui, où les armes de destruction sont de plus en plus puissantes, «le moment est venu de dire sérieusement non à la guerre, d’affirmer que les guerres ne sont pas justes, mais que seule la paix est juste: une paix stable et durable, qui ne repose pas sur le périlleux équilibre de la dissuasion, mais sur la fraternité qui nous unit», a déclaré Mgr Caccia. «Il est de la responsabilité collective de la communauté internationale de veiller à ce que les atrocités du passé ne se répètent pas et à ce que les générations futures soient protégées des conséquences catastrophiques de la guerre nucléaire».
Le traité est une étape importante
Pour le Saint-Siège, malgré «de nombreux défis et des tendances inquiétantes», le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires est une «lueur d’espoir et de progrès» qui «comble une lacune critique dans l’architecture mondiale du désarmement», a ajouté l’archevêque, appelant à «travailler en synergie pour établir un environnement mondial plus sûr». Toute vérification visant à «assurer l’élimination irréversible des armes nucléaires» doit en effet être basée sur des «garanties établies». D’où l’appréciation des «avancées scientifiques» pour mieux comprendre les effets des armes nucléaires sur «la santé humaine, l’environnement et les générations futures».
L’observateur permanent a conclu en rappelant les propos du Pape dans son message pour la 53e Journée mondiale de la paix, le 1er janvier 2020, dans lequel il citait le témoignage des Hibakusha, les survivants de Nagasaki et d’Hiroshima.
«Leur témoignage réveille et conserve de cette façon la mémoire des victimes afin que la conscience humaine devienne toujours plus forte face à toute volonté de domination et de destruction: «Nous ne pouvons pas permettre que les générations présentes et nouvelles perdent la mémoire de ce qui est arrivé, cette mémoire qui est garantie et encouragement pour construire un avenir plus juste et plus fraternel» déclarait alors François.