Très active pendant la deuxième moitié des années soixante, Nana Mouskouri multiplie les projets aux quatre coins du monde et s’adapte à son public : si, pour l’auditoire américain, elle reste la Grecque qui chante son pays natal sur fond de jazz, il est difficile de trouver plus Française en France, plus Italienne en Italie et plus British au Royaume-Uni.
« L’enfant au tambour », en 1965 est enfin LE titre qui lui vaut la reconnaissance populaire française qui lui manquait tant, succès bientôt suivi par « Le tournesol », « Quand tu chantes »< ou un « Alléluia », plus gospel, dans les années qui suivent. Encore une fois, tous ces titres sont aussitôt déclinés en autant de versions allemandes, anglaises, italiennes et japonaises, le public d’Extrême-Orient commençant à s’intéresser à Nana Mouskouri. Bien que moins présente dans les médias, Nana Mouskouri traverse les années 1970 en multipliant les tournées à travers le monde, les concerts et les récompenses. À l’image de celles qu’elle admire, Ella Fitzgerald ou Maria Callas, Nana Mouskouri est désormais reconnue pour ce qu’elle est : une diva de stature mondiale.
En 1980, elle signe un autre de ses grands tubes mondiaux, « Je chante avec toi liberté » (adaptation du « Chœur des Hébreux » de l’opéraNabucco de Verdi), qui recevra maints prix et récompenses. Ce n’est qu’en 1984 qu’elle revient à nouveau offrir un récital à son pays d’origine, la Grèce, se produisant au pied des marches de l’Acropole devant un public innombrable venu faire un baroud d’honneur à l’enfant du pays – et surtout sa meilleure ambassadrice – qui n’était plus revenu sur le sol natal depuis plus de vingt ans.
Hellène, elle s’appelle Hellène
Toujours à contre-courant des modes, c’est en revisitant le patrimoine de l’opéra qu’elle clôt les années 1980. Haendel, Albinoni ou Bellini sont autant de compositeurs dont Nana Mouskouri se réapproprie – avec respect – le patrimoine pour les besoins d’un album consacré au répertoire classique en 1988. Si le grand public adhère, les amateurs d’opéra, se montrent un peu sceptiques, pour ne pas dire chichiteux devant cette chanteuse de « variété » qui ose s’attaquer aux « grandes partitions ». Le gospel, qu’elle avait déjà abordé avec Alléluia(1977) constitue une autre exploration d’un univers musical dans lequel on ne l’attendait pas. Mais sa voix se prête parfaitement à l’exercice et Nana Mouskouri, encore une fois, ne détonne pas dans le chœur des chanteuses gospel qui l’accompagnent sur scène pour les tournées suivant la sortie de l’album Couleur Gospel en 1990.
Sollicitée par l’UNICEF pour devenir ambassadrice de bonne volonté, elle prend ses fonctions en 1993, pendant la guerre en ex-Yougoslavie, et entame plusieurs galas et séries de tournées pour collecter des fonds à destination des réfugiés. Plus surprenant, elle réussit à être élue en 1994 en Grèce sur la liste d’une coalition de droite et fait son entrée au Parlement Européen où elle siège dans les rangs du Parti Populaire Européen (droite chrétienne et conservatrice). Un engagement qui surprend – et fait même ricaner au début – mais la chanteuse se montre une parlementaire largement plus exemplaire et assidue que certains professionnels bruxellois.
La même année sort Dix Mille Ans Encore, un album comportant de nombreux duos (de Graeme Allwright à Roch Voisine) et son activité politique ne semble pas l’empêcher de continuer son métier de chanteuse, en dépit d’un coup de frein bien compréhensible à sa carrière artistique, et de profiter des pauses entre les sessions du Parlement européen pour reprendre le chemin des galas et des tournées internationales. Amérique du Nord, Amérique latine, Asie, Europe : Nana Mouskouri continue à remplir et à émouvoir des salles entières.
Éternels adieux
Si elle ne renouvelle pas son mandat, la chanteuse renouvelle ses premières expériences jazzy en réinterprétant une série des classiques du genre en 2002. Hommage aux artistes qu’elle a connu à ses débuts, de Dizzy Gillespie à Ella Fitzgerald, ce revival sous le signe du boogie made in New Orleans surprend des fans qui ne l’attendaient pas sur ce terrain. Remariée en 2003 avec son nouveau producteur, André Chapelle, elle accepte à nouveau de répondre positivement à une nouvelle sollicitation de l’UNICEF en tant qu’ambassadrice bénévole.