Sept cardinaux ont lu des demandes de pardon écrites par le Pape François et trois témoignages liés aux abus, à l’aide aux migrants et aux victimes des guerres ont donné chair à la célébration pénitentielle du 1er octobre en la basilique Saint-Pierre. Une démarche de réconciliation et de contrition que le Souverain pontife a souhaité la veille de l’ouverture de la deuxième session du synode des évêques pour une Église synodale, le 2 octobre.
Delphine Allaire – Cité du Vatican
Des demandes de pardon ponctués du Misericordias Domini et du chœur de la communauté congolaise de Rome, sous le regard profond et protecteur du Christ en Croix de San Damiano qui joua un rôle si important dans la vie de foi du Poverello d’Assise. Les interventions des cardinaux rédigées par le Pape ont été inaugurées par le cardinal Oswald Gracias. L’archevêque de Bombay en Inde a demandé pardon pour le péché du manque de courage «dans la recherche de la paix entre les peuples et les nations». «Faire la paix demande du courage: dire oui à la rencontre et non à l’affrontement; oui au respect des pactes et non à la provocation; oui à la sincérité et non à la duplicité.»
Les complicités de silence autour des abus
Se sont ensuite succédés trois témoignages personnels de trois victimes d’abus, de guerre et d’indifférence à l’égard des migrations. Le baryton sud-africain Laurence Gien a subi un abus à l’âge de 11 ans de la part d’un membre du clergé catholique. «De nombreux survivants restent anonymes et ne sont pas entendus, leur histoire étant étouffée par la peur, la stigmatisation ou les menaces. Les visages des victimes sont trop souvent flous, cachés derrière un voile de secret que l’Église, historiquement, a été complice de maintenir», a-t-il déclaré, considérant le manque de transparence de la part de l’Église comme facteur-clé de perpétuation de la crise. L’indifférence, elle, a été au cœur du témoignage suivant, celui de la directrice régionale de la Fondation Migrantes Toscane, Sara Vatteroni en compagnie de Solange (originaire de Côte d’Ivoire) du diocèse de Massa et Carrara Pontremoli.
L’accueil «des survivants» à la migration
«Dans nos ports, sur nos côtes, arrivent ceux qui ont survécu, ceux qui ont réussi. Ce sont les ‘’survivants’’, les migrants qui, par un coup du sort, se sont trouvés sur le bon bateau qui n’a pas coulé, au bon moment parce qu’il n’y avait pas trop de tempête, et dans la bonne zone maritime parce que ce n’est qu’après quelques jours en mer qu’ils ont été repérés et secourus. Tout cela ressemble à un jeu brutal du destin, dont nous sommes les ‘’spectateurs’’ parce que nous ne pouvons qu’attendre sur le rivage ceux qui ont survécu», a-t-elle déclaré, affirmant vouloir témoigner ici «d’une nouvelle humanité»: de personnes qui accompagnent les personnes à être des personnes, de femmes qui aident les femmes à être des femmes, des personnes et des femmes qui ont accueilli l’étranger et l’étranger qui est venu dans leur port et qui était en eux.
Des petites lumières dans la guerre
Enfin, une religieuse syrienne originaire de Homs, sœur Deema Fayyad, a livré ses douloureux souvenir de la guerre. «La guerre peut souvent faire ressortir ce qu’il y a de pire en nous, en mettant en lumière l’égoïsme, la violence et la cupidité. Mais elle peut aussi faire ressortir ce qu’il y a de meilleur en nous: la capacité de résister, de s’unir dans la solidarité, de ne pas céder à la haine», a-t-elle souligné, exhortant à un engagement de résistance non violente, qui, ultérieurement, devient «une plainte silencieuse mais puissante contre ceux qui tirent profit de la guerre, de la vente d’armes, de la conquête de terres ou de l’accroissement de leur pouvoir». «Cela peut sembler utopique, mais ce n’est pas le cas. Nous l’avons vécu, en tant que communauté, en essayant d’allumer de petites lumières dans l’obscurité de la guerre. Nous avons essayé de créer des possibilités de rencontres et d’opportunités pour les jeunes, en nous efforçant de créer des espaces de dialogue et de croissance qui sont fondamentaux pour reconstruire les relations et l’espoir en l’avenir», a garanti la moniale.
Pardon pour la mondialisation de l’indifférence…
Le cardinal canadien Michael Czerny a demandé pardon ayant honte «pour ce que nous, les fidèles, avons fait pour transformer la création de jardin en désert, en la manipulant à notre guise, et pour ce que nous n’avons pas fait pour l’empêcher». Le préfet du dicastère pour le Service du développement humain intégral a évoqué le droit et la dignité bafouée des peuples autochtones, la complicité de systèmes qui ont favorisé l’esclavage et le colonialisme. «Je demande pardon pour avoir pris part à la mondialisation de l’indifférence face aux tragédies qui font passer les routes maritimes et les frontières entre les nations d’un chemin d’espoir à un chemin de mort pour tant de migrants.»
… pour les abus de conscience, de pouvoir et sexuels
Toujours venu des Amériques, le cardinal Seán Patrick O’Malley a demandé pardon pour toutes les fois «où, nous, fidèles», avons été complices ou avons directement commis des abus de conscience, des abus de pouvoir et des abus sexuels. L’archevêque émérite de Boston éprouve «de la honte et de la tristesse en pensant en particulier aux abus sexuels commis sur des mineurs et des personnes vulnérables, qui ont volé l’innocence et profané le caractère sacré des personnes faibles et sans défense».
… pour la dignité des femmes insuffisamment reconnue
Le cardinal Kevin Joseph Farrell, préfet du dicastère pour les Laïcs, la famille et la vie, a lui demandé pardon pour toutes ces fois où la dignité des femmes ne fut pas reconnue ni défendue, «où nous les avons rendues muettes et soumises, et bien souvent exploitées, en particulier dans la condition de la vie consacrée».
… pour l’inertie envers les pauvres
Le cardinal Cristóbal Lopez Romero a pour sa part demandé pardonau nom de toute l’Église, ayant honte d’avoir détourné la tête devant le sacrement des pauvres, préférant nous parer et parer l’autel de préciosités coupables qui enlèvent le pain aux affamés. «Je demande pardon, en ayant honte pour l’inertie qui nous empêche d’accepter l’appel à être une Église pauvre des pauvres et qui nous fait céder à la séduction du pouvoir et à la flatterie des premières places et des titres vaniteux», a-t-il déclaré visant la maladie d’autoréférentialité des espaces ecclésiaux, qui néglige la mission dans les périphéries géographiques et existentielles.
… pour avoir endoctriné l’Évangile
Le préfet du dicastère pour la Doctrine de la Foi a exprimé sa honte pourtoutes les fois où dans l’Église les pasteurs n’ont pas su sauvegarder et proposer l’Évangile comme une source vivante de nouveauté éternelle, en l’«endoctrinant» et en risquant de le réduire à un tas de pierres mortes à jeter sur les autres. «Je demande pardon, j’ai honte pour toutes les fois où nous avons donné une justification doctrinale à des traitements inhumains», a déclaré le cardinal Víctor Manuel Fernández.
…pour tous les obstacles à la synodalité
Enfin ultime figure cardinalice à s’exprimer, le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne en Autriche. Le théologien a demandé pardon pour «tous les obstacles mis à la construction d’une Église vraiment synodale, symphonique, consciente d’être le peuple saint de Dieu marchant ensemble, reconnaissant sa commune dignité baptismale».
«Je demande pardon, j’ai honte pour toutes les fois où nous n’avons pas écouté l’Esprit Saint, préférant nous écouter nous-mêmes, défendant des opinions et des idéologies qui blessent la communion de tous dans le Christ, attendue à la fin des temps par le Père. Je demande pardon, j’ai honte pour les fois où nous avons transformé l’autorité en pouvoir, en étouffant la pluralité, en n’écoutant pas les personnes, en rendant difficile la participation de tant de frères et sœurs à la mission de l’Église, en oubliant que nous sommes tous appelés dans l’histoire, par la foi dans le Christ, à devenir des pierres vivantes de l’unique temple de l’Esprit Saint. Pardonne-nous, Seigneur», a-t-il conclu, laissant la parole au Souverain pontife.