La force d’un espace géographique en voie de développement réside dans son potentiel économique et la gestion qui en est faite. Dans la préfecture de Dankpen, une localité située à environ 90 km à l’ouest de la ville de Kara, le commerce occupe une place importante dans cette chaîne. De riches opportunités d’affaires sont à saisir dans ce milieu connu sous le dénominatif de mamelle du Togo avec ses 147.000 habitants et douze cantons. Carrefour économique des acteurs commerciaux de la région et plaque tournante des acteurs venus du Ghana voisin du fait de sa situation géographique, la préfecture tarde cependant à amorcer véritablement cet élan de développement prôné par les autorités. Quelles sont donc les caractéristiques du commerce dans la préfecture ? Quels en sont les atouts majeurs et les problèmes ?
Une économie de marché basée sur le commerce du coton, des céréales et des tubercules, produits localement cultivés.
Le commerce dans la préfecture de Dankpen est essentiellement basé sur le coton, l’igname et le soja, des produits massivement cultivés sur le plan local et qui font sa richesse économique. Composée de douze (12) cantons, la préfecture de Dankpen a autant de marchés. Chaque marché s’anime un jour donné dans la semaine. Les lundis par exemple, c’est le jour de marché à Bapuré, un des cantons de la préfecture. Tous les dimanches par contre, ces douze (12) cantons et les acteurs économiques environnants, du Ghana de Kara, Kétao ainsi que de Kabou se retrouvent au grand marché de Guérin Kouka, chef lieu de la préfecture, un grand carrefour économique de la région de la Kara. Avec des prix variant entre 200 F et 150 F le kilogramme selon les différents choix, la vente du coton constitue une part importante dans l’économie de la préfecture de Dankpen.
« Des acteurs commerciaux viennent acheter le coton ici pour les convoyer à Kara. D’autres agriculteurs proches de la frontière du Ghana préfèrent pour leur part traverser la frontière pour aller le commercialiser », a déclaré M. Ounadi Bouboukoume, contrôleur des recettes de la préfecture.
Première préfecture productrice d’igname au Togo, l’économie de Dankpen est également assise sur le commerce d’igname vendu par« calebasse » composée de cent (100) tubercules d’ignames, « demi calebasse » ou par tas de trois (3) et à des prix défiant la concurrence. Ces deux produits associés au soja et au karité sont écoulés sur le marché local et les localités environnantes. Ils sont également exportés vers Kara, les autres villes du pays et au Ghana voisin. Soulignons à ce propos que l’offre est parfois forte que la demande.
On y trouve également des produits vivriers en l’occurrence « le maïs comme tant d’autres céréales tels le mil, le sorgho, le haricot, les épices, l’arachide, le riz, le fonio, le niébé, le karité, le néré etc, tous cultivés dans la préfecture. D’autres produits rencontrés tels le textile et certains produits finis sont importés par des commerçants venus de Kara, Kabou, Kétao, … », nous a confié un jeune géographe à Namon, un canton situé à l’est de la préfecture.
Encrée dans la culture des populations, la vente du Tchouk, une boisson locale fait bonne recette également dans toute la préfecture.
Bien qu’interdite, la vente du carburant frelaté fait partie intégrante du commerce et de l’économie de la préfecture. Interrogé à Namon, un vendeur qui a requis l’anonymat explique cela par le manque de stations d’essence dans les différentes localités de la préfecture.
A Guérin-Kouka, ce commerce cohabite naturellement avec l’unique station d’essence.
Le charbon de bois occupe également une place majeure dans le commerce de la préfecture. Il découle d’une fabrication locale issue des divers cantons.
Fait marquant, les marchés de la localité, même s’ils nécessitent réhabilitation, sont pour la plupart organisés. Selon Bouboukoume, la collecte des tickets de marché varie en fonction de la marchandise ou du produit, mais également de l’opération commerciale.
« On peut donc avoir un droit de place ou un droit de sortie. Somme toute, ces recettes varient en fonction de la période de l’année, selon qu’il s’agisse d’une période d’intenses activités économiques telles la rentrée scolaire, les périodes de fin d’année et de fête ou encore des périodes de récoltes des produits vivriers. Ces recettes peuvent osciller entre six cent mille (600.000) francs et un million (1.000.000). Ces recettes vont pour la plupart dans la construction de certaines infrastructures (magasins au marché, ponts) nécessaires au bon fonctionnement et au développement de la préfecture et dans la couverture salariale de certains fonctionnaires et travailleurs qui n’émargent pas sur le budget de l’Etat.» a-t-il ajouté. Ce commerce est essentiellement soutenu par des groupements et autres institutions financières.
Les micros entreprises et les institutions bancaires, forces de développement économique à renforcer.
Il existe une autre force économique de la préfecture de Dankpen, les micros entreprises. Les populations de la préfecture ont vite pris conscience de la force qui réside dans l’unité d’action et se sont constituées en groupements, micros entreprises et exploitent des unités de transformation. A Guérin-Kouka par exemple, on peut rencontrer des petits groupements et unités de transformation de l’arachide en huile de cuisine et en crêpe. D’autres, surtout des femmes, investissent également dans la transformation du soja en fromage et en lait de soja mais qui n’est pas encore bien encré dans les habitudes alimentaires des populations de la préfecture. Martin Dadja Maganawé, préfet de Dankpen dresse l’état de l’existant de ce secteur.
« Actuellement, ce qui se fait sur le plan local est la transformation de l’arachide en huile de cuisine. Il y a également la transformation des grains de néré en moutarde ensachée pour la commercialisation. Le problème auquel nous souhaitons apporter une contribution est la transformation de l’igname qui, effectuée à grande échelle sera rentable à la préfecture. Pour ce faire, il nous faut des moyens de financement et de conservation de ce produit. Il faudra également trouver pour la moutarde une meilleure méthode d’ensachement capable de donner des garanties de sécurité alimentaire aux consommateurs. De manière artisanale, telle que les femmes la font, la moutarde peut tenir pendant un an, mais au-delà c’est un peu problématique. La Délégation à l’Organisation du Secteur Informel (DOSI) est intervenue plusieurs fois au cours des échanges avec des femmes et a promis mettre en place certaines unités de transformation. On espère incessamment la réalisation de cette promesse. »
Ces diverses entités ont certes un poids considérable et un impact majeur dans le commerce et l’économie de la préfecture, mais sont contraintes aux difficultés d’une production à grande échelle, de conquête de nouveaux marchés et d’autres problèmes liées à la promotion de ces produits, de leur exportation pour un meilleur rendement. Des apports et expertises techniques et financiers seront donc un grand atout pour ces entités, a reconnu le contrôleur des recettes de la préfecture. Dans cette tâche, il y a certes l’appui du faible système bancaire et du secteur de la microfinance, mais on reconnait qu’un apport externe, le soutien d’organismes spécialisés et de développement communautaire serait plus adapté et efficace. A cet effet, il est important de noter que l’avènement des produits du Fonds National de la Finance Inclusive (FNFI) tels l’Accès des Agriculteurs aux Services Economiques et Financiers (AGRISEF) et l’Accès des Jeunes aux Services Economiques et Financiers (AJSEF) récemment mis sur le marché contribue considérablement au fonctionnement de ces micros entreprises.
En ce qui concerne la bancarisation, un moteur essentiel de développement d’une communauté, bon nombre d’acteurs de la préfecture semble être en marge de cette dynamique.
Malgré trois (3) institutions bancaires notamment l’Union Togolaise de Banque (UTB), la Banque populaire et la Poste, et quatre (4) institutions de microfinance répandues dans toute la préfecture, le constat général, selon M. Kidiféma Kodjo, responsable de la MUCAD, une institution de microfinance de Guérin Kouka, est que « les populations ne sont pas imprégnées des avantages de la bancarisation, de la force de l’épargne… ». Accompagnant toutes les entités et acteurs économiques, il explique cet état de fait par l’ignorance de certaines populations, la méfiance d’autres au regard des faillites et de la mauvaise foi de certaines institutions qui ont sombré avec les épargnes de ces populations. Dès lors, la thésaurisation des fonds et recettes est devenue la règle un peu partout à part pour certaines personnes comme les fonctionnaires et autres agents contraints du fait de leur statut ou activités. Les greniers et les toits des maisons sont devenus les meilleurs coffres avec les risques que cela emporte. Il a donc appelé à la sensibilisation, mis un accent sur le changement des mentalités dans ce processus mais assuré de la volonté des institutions bancaires de la place à accompagner tous ces acteurs pour le développement de la préfecture. Pour plus de profit, ces activités économiques et commerciales de la préfecture doivent être renforcées par la construction des infrastructures routières capables de bien assurer le trafic.
Des voies relativement praticables, capables d’assurer le trafic
La nationale N°17 qui traverse la préfecture de Dankpen est un atout majeur qui favorise le commerce dans la préfecture. Elle est pratiquée par des acteurs venus de divers horizons pour exercer leurs activités. A côté de la route nationale N°17, il existe des pistes plus ou moins praticables dans les divers cantons de la préfecture. Elles sont munies d’éclairage public à énergie solaire. Si le chef lieu de la préfecture Guérin-Kouka bénéficie des services de la Compagnie Energie Electrique du Togo (CEET), bon nombre de populations des autres cantons qui ne sont pas encore électrifiés pallient à ce besoin par des panneaux solaires, des lampes solaires, des groupes électrogènes et la lampe champêtre traditionnelle. Il existe par endroit des zones plus ou moins enclavées du fait du mauvais état de la route surtout en période de pluie. Tous ces facteurs constituent une entrave à l’exportation à grande échelle des produits de la préfecture vers d’autres contrées.
Ces voies sont pratiquées par des véhicules à quatre roues et des véhicules de transport de marchandises. Généralement la circulation dans les cantons et localités de la préfecture est essentiellement dominée par les motos et des vélos.
Autant d’atouts pour une préfecture riche en potentiel économique mais relativement méconnue. Des appuis de tous ordres aux acteurs économiques seraient bénéfiques. Rendre le commerce plus fluide à travers la construction des infrastructures routières entre les cantons et pour rallier la préfecture à d’autres préfectures de la région, l’incitation de ces acteurs à plus d’intelligence économique surtout à des actions d’innovation de rupture pour plus de compétitivité, le renforcement des acquis en matière d’infrastructures, le développement de partenariats et d’expertises techniques, un accompagnement dans le secteur de l’agroalimentaire pour une production plus qualifiée et à grande échelle, seront à même de renforcer dans ce processus de développement une préfecture, somme toute en bonne voie.
Journalistes en Mission pour le Développement (JMD)