L’ancien putschiste Muhammadu Buhari a remporté la présidentielle au Nigeria contre le sortant Goodluck Jonathan lors de l’élection la plus serrée de l’histoire du pays le plus peuplé d’Afrique, selon les résultats officiels proclamés le mercredi 1eravril.
La victoire de M. Buhari, reconnue par M. Jonathan, constitue la première alternance démocratique au Nigeria, marquant un tournant majeur dans l’histoire politique agitée de ce pays qui a connu six coups d’Etat militaires depuis l’indépendance, en 1960, et qui a été gouverné par le même parti depuis la fin des dictatures militaires, il y a 16 ans.
Avec l’annonce tard dans la soirée de mardi 31 mars au siège de la Commission nationale électorale indépendante (Inec) de sa victoire écrasante dans l’Etat de Borno, épicentre de l’insurrection islamiste de Boko Haram, M. Buhari remporte 21 Etats des 36 que compte la fédération nigériane.
L’Inec a précisé le mercredi 1er avril matin que Monsieur Buhari, 72 ans, du Congrès progressiste (APC), avait remporté l’élection avec 2,57 millions de voix d’avance sur son rival. Il a recueilli 15.424.921 voix ou 53,95% des 28.587.564 suffrages exprimés. Goodluck Jonathan, 57 ans, du Parti démocratique populaire (PDP), a obtenu 12.853.162 voix (44,96%) à l’élection qui s’est déroulée samedi et dimanche.
L’Union européenne a « chaleureusement félicité » mardi soir la victoire du candidat de Monsieur Buhari.
Le président français François Hollande a également félicité Muhammadu Buhari et « salué la détermination du peuple nigérian » ainsi que « le sens des responsabilités » du président nigérian sortant, qui a reconnu sa défaite.
Dans un pays où les dissensions politiques attisent souvent des tensions ethniques et religieuses, entraînant de sanglantes émeutes post-électorales, le vote, qui s’est déroulé dans le calme, n’a pas pour l’instant donné lieu à des violences majeures.
Le groupe islamiste Boko Haram, qui a multiplié les attentats-suicides dans le nord, ces dernières semaines, et qui avait juré de perturber cette élection, n’est pas parvenu à empêcher le processus électoral.
Des milliers de Nigérians sont descendus dans les rues de Kano, la plus grande ville du nord musulman, pour célébrer la victoire de celui qu’ils ont plébiscité avec près de deux millions de voix
contre un peu plus de 200.000 pour M. Jonathan dans cet Etat, a constaté un journaliste de l’AFP.
A Kaduna, dans le centre du Nigeria, où des affrontements entre chrétiens et musulmans avaient fait près d’un millier de morts lors de la défaite de M. Buhari à la présidentielle de 2011, la foule exultait elle aussi, mardi soir, après avoir retenu son souffle tout le week-end dans l’attente des résultats.
– Première alternance démocratique Le Nigeria, première économie du continent, qui compte 69 millions d’électeurs inscrits sur 173 millions d’habitants, a voté ce week-end pour élire, outre le président, les 109 sénateurs et les 360 députés du pays que compte le Parlement.
Malgré les couacs techniques, dû à l’utilisation de lecteurs de cartes électorales biométriques pour la première fois, qui ont engendré de longues files d’attente devant les bureaux votes, et la menace d’attentats islamistes, les Nigérians ont été voter en masse pour faire entendre leur mécontentement, notamment sur les questions de sécurité et sur la corruption.
A Lagos, la capitale économique et la plus grande ville du pays, où Buhari a remporté la présidentielle, des feux d’artifice ont été lancés dans le quartier populaire d’Obalende et les partisans du nouveau président ont laissé exploser leur joie dans les rues, à pied, dans des triporteurs et même à cheval.
A Abuja, une foule compacte dansait devant le QG de campagne de l’APC. « Il s’agit de la première alternance démocratique de l’histoire du Nigeria. Il n’est pas question de musulman ou de chrétien, ou même de parti politique. Cela montre aux politiciens que s’ils ne font pas leur travail, on peut les mettre dehors », s’est enthousiasmé Anas Galadima, qui faisait partie de la fête.
Pour le commentateur politique Chris Ngwodo, la victoire de Monsieur Buhari « instaure une suprématie (…) de l’électorat », dans un pays où, bien souvent, la bataille était gagnée d’avance pour le président sortant. « La dynamique entre les gouvernés et le gouvernement a changé pour de bon », a-t-il poursuivi.
Selon Monsieur Ngwodo, si M. Buhari a remporté cette élection, c’est parce, soutenu par une opposition unie, il a réussi à fédérer l’électorat au niveau national, s’assurant d’une importante réserve de voix dans la moitié nord, majoritairement musulmane, mais remportant aussi des soutiens clé dans le sud, principalement chrétien – avec notamment un appui stratégique à Lagos.