Le président de la Conférence épicopale exprime sa profonde douleur après la mort d’un chrétien de 72 ans agressé fin mai par une foule en colère l’accusant injustement de blasphème. L’incident n’est pas isolé, affirme Mgr Samson Shukardin, il reflète un problème systémique. L’évêque de Hyderabad en appelle au gouvernement et aux forces de l’ordre pour protéger les minorités, et demande justice pour Nazir Masih.
Marie Duhamel – Cité du Vatican
«Dites non à la justice de la rue» proclamait une des banderoles brandies mardi dans la capitale du Pakistan, devant le club de la presse. L’archevêque d’Islamabad-Rwalpindi, accompagné de plusieurs dignitaires chrétiens, de politiciens et de simples paroissiens, a exprimé sa solidarité aux chrétiens de Sargodah et condamné «le très triste incident» qui s’est produit dans cette ville située au nord de la province du Pendjab, à 240km d’Islamabad.
Le 25 mai dernier, une foule armée de bâtons et de pierres s’est rassemblée devant la maison d’un chrétien qu’elle accusait de blasphème. Le propriétaire d’une petite fabrique de chaussure dans la colonie de Mujahid est alors violemment agressé. Il reçoit en particulier plusieurs coups à la tête. Après une intervention de la police qui a arrêté 44 personnes, Nazir Masih, 72 ans, est conduit à l’hôpital local avant d’être transféré à Rawalpindi. Il sera par deux fois opéré mais ne survivra pas à ses blessures, et décèdera lundi 3 juin.
Au nom de la Conférence des évêques du Pakistan qu’il préside, Mgr Samson Shukardin, a présenté ses condoléances à la famille de Nazir Masih et exprimé sa profonde tristesse. «Sa mort est une perte dévastatrice qui pèse lourdement sur nos cœurs et témoigne de la violence insensée qui a causé sa disparition», confie à l’agence Fides Khali Tahir Sandhu, ancien sénateur du Punjab et ex ministre des Droits de l’Homme du gouvernement de la province (2008-2018).
La violence de l’agression, pour un motif qui se révèlera de surcroit infondé, provoque un sursaut parmi la population. Les jours suivant l’agression, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes du pays, comme à Peshawar et Karachi.
«La communauté chrétienne et les autres minorités se demandent quand cette brutalité cessera au Pakistan» poursuitl’avocat catholique, «nous implorons la justice et la paix et restons unis dans la condamnation de toutes les formes de violence et de discrimination».
Les autorités appelées à intervenir
Le président de la Conférence épiscopale réitère aujourd’hui la nécessité d’un changement systémique pour éviter de nouvelles tragédies. Ces agressions – car «l’incident n’est pas isolé» témoignent selon Mgr Samson Shukardin de «l’incapacité des gouvernements successifs à réformer les lois qui facilitent de tels abus». Il appelle les autorités à intervenir pour empécher «l’utilisation abusive» de la loi sur le blasphème en vigueur qui «continue de mettre en danger la vie d’innocents». Dans la presse pakistanaise, l’évêque exige la mise en placede mesures pour protéger «réellement» les minorités religieuses ,et il souhaite que justice soit faite pour Nazir Masih et pour tous ceux qui ont subi des violences similaires.
Dans la rue, ceux qui ont manifesté leur soutien à Nazir Masih réclamaient une enquête indépendante et des poursuites judiciaires contre les auteurs de fausses accusations.
Une exigence portée également par le président du Conseil de l’idéologie islamique à Islamabad, rapporte l’agence Fides. Raghib Hussain Naimi a dénoncé le «crime odieux» et qualifié l’attaque par la foule d’«anti-islamique». Exprimant son rejet de la violence collective, il souhaite une enquête sur l’incident et une comparution en justice pour les auteurs des fausses accusations de blasphème.