L’horizon géopolitique africain, longtemps tourné vers les partenariats occidentaux, semble s’ouvrir à un monde plus large désormais avec le démarrage de fructueux partenariats avec la Russie. Comment cette collaboration a-t-elle vu le jour et pourquoi ce vent de nouveauté sonne une ère de grand changement en Afrique Subsaharienne ? Carlos Tay invité spécial à la conférence de la communauté africaine organisée dans l’Université d’État de Belgorod (Russie) le 24 mars dernier sur le thème : Regard de la jeunesse africaine sur la Russie, s’est prononcé sur ce sujet.
L’avènement de la Russie en Afrique
Les premiers pas dans cette entreprise de collaboration Afrique – Russie remonte aux années 50-60 avec le soutien de Moscou aux mouvements anticolonialistes et aux nouveaux États indépendants. Mais c’est bien à la fin de la Guerre Froide que l’idée d’un axe Afrique-URSS favorisant un partenariat gagnant-gagnant basé sur un transfert des technologies, grâce auxquelles l’Afrique pourra exploiter ses propres ressources voyait le jour.
La Russie œuvre à renforcer sa coopération d’abord avec les anciens partenaires de l’URSS. Elle s’y engage au moment où la « politique néocolonialiste » des pays Européens en général, de la France en particulier, est en train d’être vigoureusement dénoncée par les populations. La jeunesse africaine manifeste de plus en plus son opposition à la politique de l’ancienne puissance coloniale sur le continent.
Les avantages de la collaboration
Plusieurs analystes africains s’accordent à dire que cette relation permettrait à l’un et à l’autre de « s’offrir une source de diversification de partenariat » en fonction de ses besoins. « Les États africains doivent saisir cette occasion, avec un partenaire stratégique comme la Russie, de sortir de l’assistanat qui a toujours guidé les rapports de coopération économique entre les pays africains et les grandes puissances ». Ce sont notamment les accords de coopération avec les institutions de Bretton Woods (accords économiques définis en 1944 qui dessinent les grandes lignes du système financier international, FMI et Banque mondiale) et ceux de coopération d’endettement, qui ont porté atteinte à la prolifération de l’économie africaine.
Tout comme à la période de l’URSS, la méthode actuelle de la Russie est basée sur l’équilibre des participations. Moscou propose à ses partenaires d’Afrique son expertise en matière de défense, de sécurité, d’armement, de recherche minière et d’énergie nucléaire. Elle souhaite en retour un accès aux ressources naturelles, notamment minières. Présentement, près des deux tiers des investissements russes en Afrique portent sur les secteurs de l’énergie et des mines.
De nombreux gouvernements ont saisi cette opportunité et ont accepté la collaboration avec la Russie pour des échanges commerciaux et technologiques.
À Sotchi, les experts de l’agence nucléaire russe (Rosatom) ont démarché les délégations africaines en proposant la technologie nucléaire russe à des fins civiles afin de favoriser le développement du continent. Avant le sommet Russie – Afrique, le 17 octobre 2019, l’agence russe de l’énergie nucléaire (Rosatom) avait signé un accord préliminaire de coopération avec le Rwanda pour construire dans ce pays un centre de recherche sur le nucléaire. À ce jour, la Russie dispose de protocoles d’accord avec une vingtaine de pays africains dont l’Égypte, l’Éthiopie, le Ghana, le Nigeria, le Kenya, le Soudan, l’Ouganda, le Rwanda, la Zambie.
La Russie recherche aussi et surtout à établir un réseau d’amis qui pourraient lui apporter le soutien dont elle aura besoin lors des votes aux Nations Unies. L’Afrique possède un nombre assez important de voix au sein de l’Organisation des Nations Unies. Mais la Russie fait également partie des BRICS qui désirent apporter une amélioration à l’économie mondiale et à la répartition des richesses.
Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud (South Africa)) constituent l’alliance des grands pays en développement bénéficiant du rythme de croissance le plus soutenu, selon les analystes de Goldman Sachs. Le fait qu’ils possèdent un grand nombre de ressources naturelles essentielles pour l’économie mondiale leur confère un avantage certain et en fait un des meilleurs partenaires commerciaux. Et pour la première fois depuis sa création, le PIB des BRICS a dépassé celui du G7. La collaboration avec les BRICS offrira certainement un élan supérieur à l’économie africaine.
Les perspectives d’avenir pour le nouvel axe
À l’horizon 2050, le continent devrait compter près de deux milliards d’habitants. On peut s’attendre à ce que l’interaction Russie-Afrique s’améliore de plus en plus et retrouve un niveau assez élevé. Cela est d’autant plus envisageable que la Russie affiche sa volonté de faire de certains pays africains (l’Éthiopie par exemple), un centre d’excellence en science et technologie.
Le regain d’intérêt des entreprises russes pour le continent a prouvé à quel point la Russie et l’Afrique avaient besoin l’une de l’autre. La Russie offre de vastes débouchés pour les matières premières africaines, mais aussi pour toute une gamme de biens et de produits fabriqués en Afrique subsaharienne. Dans le même temps, l’activité de la Russie sur le continent renforce la position des pays africains vis-à-vis de leurs autres partenaires, les plus anciens et les plus récents.
Les relations russo-africaines semblent placées sous de bons auspices : des déclarations d’intérêt ont été prononcées et d’importants accords bilatéraux signés. Le tout est de savoir si les gouvernements encore réticents à la collaboration russe sauront suivre le mouvement et s’intégrer dans une nouvelle ère de prospérité économique pour l’Afrique.