Déjà écartée du pouvoir le temps de son procès en destitution, Dilma Rousseff, 68 ans, vit très certainement ses dernières heures en tant que chef d’Etat. Jugée à Brasilia pour avoir notamment maquillé les comptes publics du pays afin de favoriser sa réélection en 2014, en période de crise, la dirigeante brésilienne attend ce mercredi 31 août le vote d’un Sénat fédéral qui lui est devenu hostile, et qui doit entériner sa chute. « L’histoire l’acquittera », a fait valoir son avocat mardi, reprenant une phrase célèbre de Fidel Castro.
Après cinq jours de procès, qui ont parfois donné lieu à de vifs échanges argumentés, le sort de la première femme à avoir accédé au sommet de l’Etat brésilien semble scellé. L’avenir de Dilma Rousseff, élue présidente en 2010, réélue démocratiquement en 2014, est ce mercredi entre les mains des sénateurs, chargés de se prononcer sur sa destitution. Accusée entre autres d’avoir maquillé des comptes publics pour favoriser son maintien au pouvoir, elle attend le couperet dans sa résidence, le palais d’Alvorada à Brasilia.
Les débats et les auditions de ces derniers jours n’ont laissé aucune place au doute : actuellement, une majorité de sénateurs reste favorable à sa destitution. Mme Rousseff, qui lundi, n’a pas pu inverser cette tendance déjà observée. Mais à écouter les opposants de la présidente, l’impression qu’il s’agit aussi d’un procès politique est poignante.
Au fond, la droite brésilienne n’a cessé de reprocher à Dilma Rousseff d’avoir enfoncé le pays dans la crise. Elle demande un nouveau gouvernement pour relancer l’économie.
Au dernier jour du procès, des plaidoyers centrés sur l’émotion
Ce qui a finalement été jugé dans ce procès, ce sont aussi les 13 années de règne du Parti des travailleurs de Lula da Silva, auquel Dilma Rousseff avait succédé à la présidence. Un chapitre important de l’histoire du Brésil est donc en train de se refermer sans passage par les urnes. D’où la volonté manifeste de la présidente de défendre avec passion son action politique, en restant toutefois silencieuse sur les erreurs qu’elle a pu commettre. Pour son défense, Dilma Rousseff n’a jamais cessé de dénoncer « un coup d’Etat institutionnel ».
Finalement, cette stratégie ne lui a pas permis de convaincre les sénateurs et de mobiliser l’opinion publique en sa faveur, malgré les manifestation de ses soutiens. Au contraire, mardi, la cinquième et ultime journée du procès s’est déroulée comme prévu. Elle était consacrée à un débat entre sénateurs. Des échanges précédés par les plaidoiries des avocats de l’accusation et de la défense : dans un dernier effort, les deux juristes n’ont pas hésité à jouer sur l’émotion pour défendre leur cause dans ce moment historique pour leur pays.
« Vous allez condamner une femme innocente », a déclaré l’avocat de Dilma Rousseff, Jose Edouardo Cardozo. « C’est indigne, ce qu’il se passe, cet assassinat d’une réputation politique », at-il ajouté. « Ce n’est pas facile de demander d’écarter du pouvoir une présidente de la République.
Mais il y a aussi un côté positif : la destitution est un remède constitutionnel auquel nous devons recourir quand la situation devient particulièrement grave et c’est ce qu’il s’est passé », a rétorqué Janaina Paschoal, l’avocate à l’origine de la procédure de destitution.
Dilma Rousseff, 68 ans, probablement inéligible pour huit ans.
A la fin de son plaidoyer, Janaina Paschoal a demandé- en larmes ! – pardon à la présidente brésilienne, pour lui avoir causé des souffrances. Des propos jugés déplacés par Jose Edouardo Cardozo, lui aussi saisi par l’émotion et les larmes. « On ne doit jamais perdre la capacité de s’indigner face à l’injustice, et face à cette offense à la démocratie. Et jamais dans la vie, je n’aimerais perdre cette capacité », a-t-il lancé dans un sanglot. Et de demander une ultime fois aux sénateurs de voter contre la destitution. Sinon, a-t-il conclu, c’est « l’histoire » qui acquittera Dilma Rousseff.
Alors, comment va se passer le vote qui, selon toute vraisemblance, entérinera la chute de Dilma Rousseff ce mercredi ? Juste avant les opérations, le président du Tribunal suprême fédéral fera un bref compte rendu du procès. Ensuite, les 81 sénateurs devront répondre par vote électronique à la question de savoir si « Mme Rousseff a commis les crimes de responsabilité qui lui sont imputés, et doit être condamnée à perdre son mandat, restant par conséquent inéligible à tout mandat politique durant huit ans ». S’ils franchissent le pas, le président par intérim Michel Temer, ancien vice-président devenu opposant, terminera le mandat avant l’élection de 2018. RFI