Après le succès de son premier album BIM#1, paru en 2018, le Bénin International Musical est de retour avec Positive Vodoun. Avec ce deuxième opus enregistré aux Etats-Unis, au Bénin et en France, le BIM raconte l’Afrique sous forme d’ode à la culture vodoun. Un hommage à la musique des ancêtres du Dahomey, très actuel avec ses sonorités rock, rap et pop. Rencontre avec Brigitte Kiti, chanteuse rappeuse, Jimmy Belah chanteur batteur, Yaovi guitariste et Jérôme Ettinger, directeur artistique à l’origine du collectif, à quelques jours de leur showcase très attendu au Womex à Manchester.
RFI Musique : l’esprit vodoun est au cœur de votre travail avec ce nouvel album Positive Vodoun. Il s’agit de la musique des ancêtres du Dahomey. On la retrouve dans les cérémonies traditionnelles qui implorent les divinités animistes mais aussi dans les églises évangéliques. D’où vient cette influence dans votre musique?
Brigitte Kiti : à la base, le Bénin est un pays vodoun même si c’est un pays laïc. Tout part des rythmes joués dans les églises. Ils viennent tous des couvents vodouns et sont nombreux. Exemples : le sakpata, joué aussi dans les églises catholiques, le egoungoun, rythme des revenants, joué dans les églises évangéliques et du christianisme céleste. En fait on prend un rythme vodoun et on pose un chant religieux. Du moment que ça danse, ça chante et que c’est rythmé, ça passe! Pour nous ce n’est rien d’autre qu’une façon de vivre, une façon de voir les choses, de vivre en symbiose avec la nature. Dans chaque maison au Bénin les ancêtres sont vénérés quel que soit la confession des gens. Moi je suis chrétienne, catholique mais je pratique aussi ce culte animiste. Au-delà de toutes les religions, cette pratique spirituelle fédère les êtres humains. On peut être chrétien, vaudouisant, laïc, athée, on arrive à se comprendre. Pour preuve : le BIM est composé aussi bien de chrétiens que de vaudouisants ! Longtemps, depuis des siècles, le vodoun a été diabolisé et considéré comme de la sorcellerie, de la magie noire. A travers le titre de l’album nous voulons montrer tout le contraire : l’aspect positif de cette pratique !
On va s’arrêter sur le titre Biôwa qui a été enregistré avec une chorale. Comment s’est écrit cette chanson qui se démarque de l’album ?
Jimmy Belah : c’est vrai que ce morceau est à part. Il n’est ni rock, ni rap. Sur ce titre qui veut dire « la destinée » il y a une base vodoun fusionnée avec un chant gospel. Tout a commencé dans le grenier du Château du Port aux Meules, à Vertou, dans les environs de Nantes. A la guitare, Jérôme a commencé à jouer les accords et j’ai posé un chant très puisant. Puis Lionel, le percussionniste, a trouvé le rythme avec une grosse cloche. Ensuite le refrain est venu et le couplet très prenant avec une coloration folk. C’était la première étape. Au Bénin, je me suis rendu naturellement dans mon temple Jéhovah Jiré pour diriger la chorale de la paroisse. Il faut dire que mon père était chef de chœur et ma mère percussionniste traditionnelle. Donc mon école de musique a été l’église.
Vous chantez principalement en mina, en adja, en yoruba, en fon… Que raconte le titre Gbali qui ouvre l’album ?
Brigitte Kiti : cette chanson parle de l’hypocrisie humaine. Nous sommes tous des humains mais il y a peu de personnes qui sont vraies ! On peut être capable de taper dans le dos d’un frère, d’un parent, d’un ami et après lui tourner le dos. Ce n’est pas franc. Si on rêve d’un monde meilleur, qui soit vivable pour tous, avec tous les maux dont on souffre aujourd’hui, on a juste besoin d’amour, d’être vrais avec nous-mêmes et avec les autres. De s’aimer réellement, de se dire la vérité. C’est un peu comme l’histoire du politicien qui fait beaucoup de promesses à son peuple mais qui ne les tient jamais. Voilà. Pas d’hypocrisie, soyons vrais et tout sera plus simple dans la vie.
Ce disque a été enregistré entre New York, Cotonou et la France. Ça a été un long travail. Comment s’est construit cet album sur les trois continents ?
Jérôme Ettinger : l’idée de départ était de travailler en studios nomades. Toutes les prises étaient faites plutôt en mode répétition, comme la première résidence au Bénin. On ne savait même pas où on allait ! J’avais juste une carte son, un ordinateur, quelques micros et j’enregistrais. Au fur et à mesure ça a pris forme. Il y a eu aussi des sessions plus formelles avec Jean-Paul Romann, fidèle ingénieur du son des Lo’Jo à Angers au studio Radio Lolo pour les titres Gbali, Positive Vodoun et Ya profiter. A New York ça a été très différent. Nous avons été invités par Angélique Kidjo a joué au mythique Carnegie Hall. Gordon Williams, le célèbre producteur américain nommé à maintes reprises aux Grammy Awards avec Santana, Amy Winehouse, Quincy Jones…, était dans la salle. Il a totalement flashé sur le BIM ! Résultat : on se retrouve au studio Labala Music de Brooklyn pour enregistrer et mixer le titre Abobo qui signifie « le cri de la victoire ». Cette collaboration a donné une coloration particulière à l’album. Ces rencontres ont permis d’obtenir ce mélange particulier entre les couleurs traditionnelles vodouns et le rock, le rap ou la pop.
L’esthétique rock est prédominante sur l’album avec vos riffs de guitare. Vous êtes un peu le « guitar hero » dans le groupe ?
Yaovi : avant de faire partie du BIM, je jouais dans un groupe de rock à Cotonou. Nous faisions des reprises de standards rock, blues. Par ailleurs je suis professeur de guitare. J’ai mis cette expérience au service du notre collectif afin que notre musique sonne bien rock avec un groove puissant. Cette sonorité se retrouve particulièrement sur le titre de l’album. A chaque concert, le public est toujours surprise d’entendre du rock version vodoun.
Positive Vodoun disponible sur toutes les plateformes (Togezer Productions/ Absilone/ RFI Talent)