À 22 ans, Camélia Jordana, ex-candidate de la Nouvelle Star, en 2009, fait preuve d’une maturité impressionnante, multiplie les projets et assume des choix artistiques, aussi personnels qu’exigeants. Aujourd’hui, elle sort son deuxième album, Dans la peau, un beau disque varié, nuancé, original, teinté de musiques d’ailleurs, une œuvre aboutie, qui parle d’amour et de voyages. Enthousiaste, curieuse, douée d’un joyeux appétit artistique, la jeune femme évoque pour RFI Musique, les clefs de voûte de sa vie : le goût des histoires, l’écriture, l’amitié et la musique sans limites. Rencontre.
RFI Musique : Depuis votre dernier album (Camélia, 2010), vous avez joué dans quatre longs-métrages, deux courts, un téléfilm, une pièce de théâtre… La multiplication de ses projets stimulants nourrit-elle votre art, votre vision de la vie ?
Camélia Jordana : Oui ! Et je m’apprête aussi à jouer dans un opéra contemporain aux Bouffes du Nord à l’automne. Ces aventures, autant de voyages et d’apprentissages, multiplient mes envies par mille. Intarissable, j’ai cet appétit, pourvu que ce soient des projets qui me procurent des papillons dans le ventre. J’aime raconter des histoires sous toutes les formes possibles !
Sur votre dernier disque, Dans la peau, vous signez plus de la moitié des chansons. Une première pour vous. Comment vous êtes-vous lancée en écriture ?
En fin de tournée, j’avais ce désir d’écrire, séduite par l’exemple de Babx et L, qui jonglent au quotidien avec les mots : c’est devenu mon « jeu préféré » !Tout me séduit ! J’aime partir d’une phrase glanée dans la rue, d’un fait divers, d’une idée, d’une citation, pour construire un texte émouvant, cohérent, créer un objet qui sonne, plein de sens et de poésie. Un exercice ludique, qui nécessite rigueur et travail : je compare l’écriture à de l’artisanat, un puzzle, une gymnastique. Loin de sa seule dimension « intellectuelle », elle requiert d’avoir les mains dans le cambouis, et une pratique régulière, pour qu’au final, apparaisse ce langage qui nous appartient. Souvent, je « pompe », mélange, refais, jusqu’au moment, où j’ose enfin m’extraire, dévoiler le texte, que j’habille ensuite de musique. L’objet final ? Imparfait, bien sûr. Mais tu le considères fini. Il mène sa propre vie.
Ce disque parle d’amour et de voyages : vos deux thèmes favoris ?
Il y a ce je ne sais quoi de grave, de fascinant, dans les chansons d’amour en français, qui me bouleverse. Quant aux voyages… ils m’ont tellement nourrie ces dernières années ! –Japon, Russie, Réunion, Québec, Maroc, Équateur, etc ! J’adore ! À ce titre, je trouve la géographie injuste. Révoltante ! Je ne peux me résoudre à l’idée, qu’à cause d’un simple éloignement géographique, on ne voit jamais des milliards de paysages splendides, que des âmes sœurs ne se croisent pas. Ça me fâche !
Les musiques de votre disque, elles-mêmes, se révèlent voyageuses, teintées d’influences du monde. Vous aimez ces sons d’ailleurs ?
Babx a en effet, ajouté des influences éthiopiennes– son obsession !– dans les cuivres de La Fuite, les synthés de Comment lui dire, ou les harmonies de Ma Gueule. Toutes ces musiques du monde, je les ai découvertes en tournée, avec mes musiciens, et notamment mon guitariste Grégory Dargent. Sur la route, en camion, on branchait nos iPod, nos iPhone. Un jour, par exemple, lors d’une de ces siestes géniales, une musique est venue me caresser la joue, avec un rayon de soleil : Danyel Waro ! J’ai aussi découvert ces sons grâce à ma professeure de chant, l’ethnomusicologue Martina Catella. Avec elle, je m’exerce sur des polyphonies bulgares, des chants albanais, corses, tsiganes, lyriques, réunionnais, capverdiens, brésiliens, cajuns… Ces techniques du monde entier, chantées avec tout le corps, me nourrissent, ressortent lorsque je tisse ma propre musique, que je bœufe avec mes copains. Au milieu d’une session jazz-rock, émerge au hasard, un son bulgare, en moi. C’est comme la géographique : tout est possible, mais on se limite, on classifie – rock-chanson française-pop-électro… Ça me rend dingue !
Babx a réalisé Dans la Peau. Une grande complicité vous unit ? L’amitié, c’est important dans votre création ?
Babx, c’est mon super copain, doublé d’une sorte d’alter ego artistique ! C’est une condition sine qua non dans mon travail : être amoureuse des personnes qui m’entourent. Pour moi, rien n’est plus intime que la musique. Je ne peux donc la partager qu’avec des gens qui m’émeuvent totalement, et dont je partage le rapport à la vie, à la musique, à l’amitié – mes potes, ma sœur, toute la bande du collectif de musiciens Beautiful Freaks*, etc. Je peux me payer ce luxe !
À 22 ans, vous avez déjà un joli parcours ! Rétrospectivement, pensez-vous que la Nouvelle Star a été l’élément déclencheur ?
Bien sûr ! J’ai toujours voulu être chanteuse, mais, dans ma tête de lycéenne, il n’y’avait pas d’alternative : soit tu étais Madonna, soit tu changeais de cap. Au Forum des Métiers de Toulon, on ne t’explique jamais comment devenir musicien(ne) ou comédien(ne). Avec pour seul indice ton bulletin scolaire, on t’aiguille vers une profession sécurisante. Un drame ! Le jour où je me suis présentée au casting de l’émission, je m’attendais à recevoir l’avis d’André Manoukian** sur ma voix puis à repartir, aussi sec, passer mon bac. Finalement, tout s’est enchaîné : le parcours, l’album, etc. J’ai eu de la chance d’être présentée à des personnes fabuleuses – Babx, Mathieu Boogaerts, etc. – qui correspondent en tout point à mon univers ! Si je travaille énormément, et que j’ai foi en ce que je réalise, j’ai aussi, au-dessus de moi, une bonne étoile.