Depuis dimanche dernier, les ressortissants ukrainiens peuvent voyager en République tchèque sans visas. L’UE a en effet exempté l’Ukraine de cette obligation pour entrer dans l’espace Schengen. Cependant, l’exemption ne concerne que des visas de court séjour qui n’autorisent pas leurs détenteurs de travailler et de résider sur le territoire européen. Cette situation suscite un vif débat en République tchèque, un pays très populaire auprès des travailleurs ukrainiens.
Pour le chef de la diplomatie tchèque, Lubomír Zaorálek, l’abolition des visas touristiques pour les ressortissants ukrainiens se rendant dans l’espace Schengen est un vrai succès. Cette opinion ne fait toutefois pas l’unanimité. Le régime sans visa permet aux Ukrainiens possédant un passeport biométrique de séjourner dans tous les pays européens à l’exception du Royaume-Uni et de l’Irlande, et ce pendant une durée de 90 jours sur toute période de 180 jours. Les personnes en question n’ont toutefois pas le droit d’y travailler ou d’y résider.
Or, ce sont justement les permis de séjour et les visas de travail tchèques qui sont les plus demandés par les Ukrainiens qui, au nombre de 110 000 à la fin de l’année dernière, représentent une des plus grandes minorités en République tchèque. De nombreuses entreprises tchèques cherchent en effet à embaucher des travailleurs ukrainiens pour faire face à la pénurie de main d’œuvre, dans un pays où le taux de chômage est le moins élevé de l’UE. Les Ukrainiens qui souhaitent obtenir un visa tchèque sont toutefois confrontés à un grand problème : il est presque impossible de se rendre au consulat pour déposer leur demande.
Les solliciteurs sont contraints de faire de longues queues devant la porte du consulat tchèque. La situation n’a aucunement changé après l’abolition des visas touristiques ; des dizaines d’entre eux y attendent même pendant plusieurs semaines. De plus, le consulat, qui ne peut octroyer que quinze visas par semaine, enregistre de nombreux cas de corruption et de trafic de visas : des organisations frauduleuses offrent leur aide avec l’obtention de visas et demandent en échange des sommes vertigineuses, d’autres paient des personnes qui font la queue et revendent ensuite leurs places aux autres demandeurs. Cela déplaît à de nombreux politiciens tchèques, dont l’ancien ministre des Affaires étrangères, Karel Schwarzenberg :
« La seule solution adéquate serait d’abolir tous les visas pour l’Ukraine. »
D’autres considèrent au contraire l’exemption des visas touristiques comme une erreur. Le ministre tchèque de l’Intérieur était par exemple partisan de la mise en place d’un mécanisme qui permettrait aux pays membres de l’UE de rétablir, en cas d’urgence, la délivrance de visas pour les résidents ukrainiens. Milan Chovanec explique sa position par le fait que l’abolition de visas pourrait aboutir à un plus grand afflux de touristes ukrainiens demandant l’asile en République tchèque ou restant sur le territoire tchèque de manière illégale après l’expiration de la période de 90 jours. Ambassadeur de l’Ukraine à Prague, Yevhen Perebyinis s’oppose à cet l’Ambassade de l’Ukraine en RT « Je n’y vois aucune différence. Les Ukrainiens se rendant dans l’UE, qu’ils aient un visa ou non, devraient respecter certaines règles. Dans les deux cas, ils peuvent bien sûr rester dans un pays européen de manière illégale. Cela peut arriver. Mais ici, il s’agit d’autre chose : les Ukrainiens ne doivent désormais ni faire la queue devant les consulats et les ambassades, ni payer pour les visas. »
Comme l’ajoute Marek Příhoda de l’Institut d’études de l’Europe orientale de l’Université Charles, l’abolition de visas pour les ressortissants ukrainiens a notamment une valeur symbolique :
« L’impact de cette mesure ne sera pas si grand car très peu d’Ukrainiens peuvent se permettre de voyager dans un pays de l’UE. Mais il s’agit d’un événement très symbolique car il accomplit ce long chemin que l’Ukraine a dû parcourir afin que ses citoyens puissent voyages dans les pays européens sans visas. »