Un grand écran affiche des drapeaux palestiniens et israéliens sur la Tour Eiffel alors que la France s’apprête à reconnaître officiellement un État palestinien à l’ONU.

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La Tchéquie ne partage pas l’élan international de reconnaissance de l’État de Palestine suscité par la France. Si la diplomatie tchèque soutient le principe d’une solution à deux États pour mettre un terme au conflit israélo-palestinien, elle ne s’apprête cependant pas à reconnaitre la Palestine comme un État souverain, comme l’ont fait, tout récemment, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie, le Portugal et d’autres pays encore. Pourtant, la Tchécoslovaquie communiste avait été un des premiers pays à reconnaître l’État de Palestine, et ce, dès sa création par Yasser Arafat en novembre 1988.

« Il sera réellement possible de discuter du prochain agencement lorsque les besoins humanitaires fondamentaux de la population palestinienne auront été satisfaits, ce qui, bien sûr, prendra un certain temps », a déclaré Petr Pavel dimanche, avant de s’envoler pour New York, où il prononcera, mercredi, un discours devant l’Assemblée générale des Nations Unies. 

Selon le président tchèque, le processus de création d’un État palestinien doit être le résultat de négociations entre toutes les parties concernées, y compris Israël, et des « conditions minimales » doivent être remplies pour cela. Dans le cas contraire, il s’agit plus ou moins d’une « déclaration politique » qui, dans la situation actuelle, « peut susciter des attentes qui compliqueront les négociations elles-mêmes », estime encore le chef de l’État. Il prône une pression exercée sur le mouvement terroriste Hamas pour que celui-ci libère tous les otages et, en même temps, celle exercée sur Israël pour que l’État hébreu cesse ses opérations militaires.

Même si la Tchéquie dénonce la situation désastreuse dans la bande de Gaza et continue à fournir de l’aide humanitaire aux populations civiles, elle n’en reste pas moins un pays historiquement très proche d’Israël. Petr Hladík qui dirige le département du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord au ministère des Affaires étrangères a lui aussi expliqué à la Radio tchèque pourquoi Prague n’envisageait pas de franchir le pas et de reconnaître l’État de Palestine dans l’état actuel des choses :

« Nous l’affirmons depuis longtemps : pour que le projet de solution à deux États puisse réellement fonctionner, il faut qu’il soit soutenu par les deux parties du conflit. Or, à l’heure actuelle, Israël ne participe pas au négociations. (…) Par ailleurs, du point de vue du droit international, reconnaître quelque chose qui n’existe pas est problématique. Les Palestiniens ne contrôlent ni ne gèrent ce territoire, dès lors cet Etat n’existe pas, tout simplement. (…) Je comprends qu’il y ait une volonté d’accélérer le processus de paix. Je suis d’accord avec les déclarations du Premier ministre britannique Keir Starmer à ce propos. Mais le fait qu’Israël, qui est un acteur clé, soit écarté des négociations suscite, évidemment, des réactions négatives de sa part. Je souligne toutefois que l’occupation de n’importe quel territoire, y compris les territoires palestiniens, est inacceptable pour la Tchéquie. Nous nous opposons fermement à l’éventualité de l’annexion de la Cisjordanie occupée, évoquée par les autorités israéliennes. »

Spécialiste du Proche-Orient, journaliste et enseignant à l’Université métropolitaine de Prague, Břetislav Tureček explique pour sa part les enjeux de cette reconnaissance de la Palestine, et replace la position tchèque dans un contexte plus large :

 « Rappelons que même avant l’éclatement de cette guerre, Israël refusait la création d’un État palestinien. Rappelons également que lorsqu’en 2012, la Palestine a obtenu le statut d’État observateur à l’ONU, la Tchéquie a voté contre, alors qu’à l’époque, les terroristes du Hamas ne détenaient pas d’otages israéliens. Israël a tout fait pour que l’administration palestinienne en Cisjordanie souffre d’un manque de crédibilité – et voilà que la diplomatie tchèque évoque, elle aussi, cet argument. (…) Je suis d’accord avec la France et le Royaume-Uni : la reconnaissance de l’État palestinien n’est pas une récompense pour le Hamas. C’est tout le contraire. Par ailleurs, je me souviens avoir demandé à l’ancien ministre tchèque des Affaires étrangères Karel Schwarzenberg quand Prague entendait reconnaître l’État de Palestine. Il m’avait alors répondu avec cette question : ‘Pourquoi reconnaître une deuxième fois ce que nous avons déjà reconnu ?’ »

En effet, en 1988, la proclamation unilatérale de l’indépendance de la Palestine par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a mené 82 États à reconnaître officiellement ce « nouveau pays ». Parmi eux, une majorité de pays d’Afrique et du Moyen-Orient, ainsi qu’une partie de l’ancien bloc soviétique, dont la Tchécoslovaquie. Une reconnaissance encore confirmée au moment de la naissance de la République tchèque indépendante, en janvier 1993, mais dont le gouvernement tchèque actuel estime qu’elle n’est plus valable.

Magdalena Hrozínková|Source:Český rozhlas

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