Madame Emilie Aba Jiminiga est éducatrice de jeunes enfants de profession.
Elle préside l’association Da m’a dit. Grâce à son centre basé à Yokélé à Kpalimé, l’association est devenue une deuxième famille pour les enfants.
Elle veut également conscientiser les jeunes gens, filles et garçons, à avoir un comportement digne et réfléchi afin de faire reculer le plus possible ce souci de grossesse en milieu scolaire. L’encadrement de ces jeunes sur leur santé reproductive et sexuelle dans une ville fait partie du programme d’enseignement dispensé par Da m’a dit.

Comme l’ignorance fait périr les gens, le centre Da m’a dit est également doté d’une bibliothèque permettant aux gens d’avoir des moments de lecture et de partage.
Le centre Da m’a dit s’est soumis aux règles gouvernementales concernant le confinement suite au COVID-19 et a alors connu un arrêt momentané des activités. A la reprise des activités les règles strictes liées aux gestes barrière ont bien été appliquées au centre Da m’a dit.
Tous ces efforts ont attiré l’attention de notre journal Lomebougeinfo qui a tendu son micro à la présidente, Mme Emilie Aba Jiminiga, pour une interview. Bonne lecture !
Votre association a fait de la prévention, son crédo. Comment est-ce que cette dynamique change la vie de la population en général et des enfants en particulier ?
Da m’a dit est un centre de prévention du couple mère-enfant. La dynamique est essentiellement familiale car dans ce titre, on peut avoir l’impression que les hommes ne sont pas concernés. Or, le père a bien sa place non pas seulement dans la gestation mais il participe activement à l’éducation.
Cependant, l’enfant est beaucoup plus porté par la maman qui depuis le sein lui parle, « Maman m’a dit : ‘je ne suis pas un accident de la nature’ ». C’est là que la maman dit à l’enfant des paroles qui vont l’aider à se construire. Si elles sont bienveillantes, elles porteront du bon fruit.
Da m’a dit agit en amont de la naissance puis pendant le développement de l’enfant d’où notre slogan : « Bien naître et bien grandir en Afrique ». Pour les enfants nés avant l’année 2016, c’est-à-dire celle de notre implantation à Yokélé, nous participons à leur éducation à travers notre ludothèque et bibliothèque. A travers nos activités récréatives, nous essayons d’inculquer à ces jeunes enfants et adolescents, les valeurs sanitaires et sociales. Nous les aidons dans la mesure du possible à exprimer leurs frustrations, désirs et colères par des mots. Nous mettons ainsi l’accent sur le dire et sur les activités culturelles. C’est notre façon de contribuer à leur résilience si besoin.
Le centre Da m’a dit est repéré dans le village de Yokélé comme un centre d’écoute et de soutien à la parentalité.
Parlez-nous de votre projet Protection Maternelle et Infantile (PMI) en Afrique ?
La PMI existe en France mais pas dans la nomenclature togolaise. C’est un concept que j’ai découvert en France où j’ai vécu pendant 30 ans. Il a fallu changer le terme pour s’adapter et avoir l’agrément du Ministère de la Santé et de la Protection Sociale.
Au Togo, nous avons opté pour Centre Médico-social de Prévention du couple mère-enfant afin de le différencier des centres médico-sociaux (CMS). Nous n’en sommes pas un ! Nous sommes un centre qui fait essentiellement de la prévention. Nous ne voulons pas que le sujet sain soit mélangé au sujet malade. Une soixantaine d’amis ont adhéré à mon projet qui vise à créer un espace préventif, un lieu où l’usager, bien portant viendra s’enquérir des mesures à prendre pour que sa santé ne décline pas. On vérifie la tension, le poids, l’alimentation des enfants et on échange autour de leur éducation. Bref, on cherche à prévenir pour ne pas avoir à guérir.
Quelles améliorations constatez-vous auprès des enfants qui bénéficient de vos appuis éducatifs ?

C’est un centre créatif et récréatif. Les enfants, au début avait cette idée de s’approprier tout jouet qui leur plaisait. Par la suite ils ont appris à se prêter les jouets. Le partage est très important. La socialisation également, être ensemble avec d’autres personnes y compris des adultes et pouvoir s’exprimer. Etre à l’aise dans un club qui n’est pas le sien aussi s’apprend. A Yokélé, les enfants sont contents d’être en groupe et avec les adultes qui ne sont pas leurs parents. Petit à petit, ils ont compris qu’il faut partir pour revenir. Tout ce travail se fait avec des paroles bienveillantes.
Je veille sur ce volet avec toute mon équipe car il n’est pas question de hurler, de gronder ou encore de frapper les enfants. L’essentiel est de leur faire comprendre les choses. Les enfants apprennent que les jouets ne se jettent pas quand on est en colère au risque de les retrouver à la poubelle.
A Da m’a dit, on urine dans les toilettes, le lavage des mains va de soi, on jette les papiers à la poubelle. C’est une éducation que les adultes d’aujourd’hui n’ont pas malheureusement. J’exhorte les parents et les pouvoirs publics à mettre en place les toilettes et les poubelles pour permettre que cette éducation devienne familiale, communautaire et nationale.
Comment la propagation du nouveau coronavirus impacte vos actions ?
C’est dur mais le point positif c’est que le lavage des mains est automatique. Cela vient appuyer ce
Que nous faisons déjà. Nous étions obligés d’observer une pause dans nos activités en fermant le centre.
Les trois mois d’inactivité ont permis de tout mettre en place pour que la prévention se fasse.
Le centre est désormais accessible aux adultes dans le respect des mesures barrières mais pas encore aux enfants.
Le 08 juin dernier, nous avons offert la possibilité aux femmes de se faire dépister (diabète, hypertension) gratuitement au centre. On fait de la sensibilisation. Même si aucun cas n’est enregistré à Kpalimé, nous avons mis l’accent sur l’importance de se munir des cache-nez.
Nous orientons toujours nos activités vers la prévention.
Nous avons tous eu vent des polémiques liées aux tests de vaccins contre la Covid-19 en Afrique. Beaucoup ont été clairs : L’Afrique n’est pas un laboratoire. Quel commentaire faites-vous sur ce sujet, vous qui travaillez tout le temps avec les parents ?
Je confirme que l’Afrique n’est pas un laboratoire. La population africaine est une population très jeune et le covid-19 décime beaucoup plus les personnes âgées. Les expérimentations doivent se faire là où la maladie s’est déclarée et fait des morts au quotidien. Il faut aller là où la crise est afin d’avoir des résultats probants. On n’a pas fini de gérer le paludisme, le SIDA, et autres, ce n’est pas possible que nous servions de cobaye. La recherche doit être faite, certes mais là où elle peut apporte plus de résultats.
Des exhortations à la population en ces temps de pandémie ?
Se fier aux vraies informations. Aller aux sources pour chercher les informations. En tant que centre de prévention nous pouvons donner des nouvelles que nous glanons au niveau des sources officielles. Quand on dit aux gens de porter des masques, ils pensent que ce sont les autorités qui en font de trop. Mais il faut les porter et le lavage des mains doit être adopté partout, ainsi que la distanciation physique, la nécessité d’éviter les regroupements car les porteurs sains sont dans la population.
Votre mot de la fin
Ce n’est pas parce qu’on se porte bien qu’on n’est pas porteur de maladie. En le prenant ainsi, on risque d’être un danger pour les plus fragiles. C’est une question de responsabilité. Pour Da m’a dit, il est clair qu’il faut prévenir plutôt que guérir. Pour prévenir, il faut connaitre et pour connaitre, il faut s’informer. C’est pour cela que Da m’a dit, informe, sensibilise, prévient avec des mots pour éviter des maux.
Interview réalisée par
Bienvenu AMOUH & Assou AFANGLO