La Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) a organisé un atelier d’échanges sur « La réduction de l’usage excessif de la détention provisoire dans les lieux de détention » à l’intention des acteurs de la chaîne pénale et des organisations de la société civile, Ce vendredi 26 mai à Lomé.
Cette rencontre s’inscrit dans le cadre de la commémoration en différé de la journée africaine de la détention provisoire célébrée chaque 25 avril. Elle a donné aux acteurs l’occasion de s’outiller sur les stratégies et actions pouvant permettre de réduire l’usage excessif de la détention provisoire.
Il s’est agi de contribuer à réduire la surpopulation dans les lieux de détention, d’encourager les acteurs de la chaîne pénale à privilégier l’application des mesures alternatives à des peines d’emprisonnement. Cet atelier entend aussi aider à réduire le risque de torture et de mauvais traitement dans les lieux de détention.
En effet, les statistiques nationales au niveau de la détention provisoire ne sont pas reluisantes. Selon le ministère de la Justice, au 31 juillet passé, sur un total de 4200 pensionnaires dans les douze prisons du pays le nombre de détenus en attente de jugement était de 2681, soit près de 63,83%. A la date du 2 mai 2017, les chiffres donnaient 33,34% de condamnés contre 66,65% de détenus en attente de jugement. L’on note une croissance de 2,82% des détentions préventives contrairement à la période 2012-2015 où celles-ci étaient réduites de 1,5%.
Ce tableau sombre engendre des conséquences notamment la surpopulation carcérale et des coûts supplémentaires aussi bien pour les familles obligées de dépenser sans cesse pour s’occuper du détenu et pour l’Etat contraint dans son rôle régalien de continuer à prendre soin des prisonniers sur les plans sanitaire, alimentaire sans oublier les frais pour la propreté des prisons.
Pour amener les acteurs à cerner le problème et à élaborer des stratégies idoines pour y faire face, les participants ont suivi des exposés sur le thème et sur « la détention provisoire dans le nouveau code pénal togolais » ; « les mesures alternatives aux poursuites pénales » et « la reconnaissance préalable de culpabilité ». Ces sujets ont été respectivement développés par le procureur général, Monsieur Kodjo Gnanbi, Me Batokro Avocat à la Cour, Monsieur Ayim Plaamwé, magistrat, membre de la CNDH et par le Bâtonnier de l’Ordre d’Avocats, Me Rustico Lawson-Banku. Les débats ont abouti à des propositions allant dans le sens de la réduction de la longueur de la durée de la détention provisoire.
Le ministre de la Justice chargé des Relations avec les Institutions de la République, Pius Agbétomey a déclaré que la réduction de l’usage excessif de la détention provisoire dans les prisons est une préoccupation majeure pour le gouvernement pour qui la justice doit être, pour les droits de l’Homme plus qu’un rempart, une citadelle. Il a déploré le nombre trop élevé des détenus en attente de leur jugement et insisté sur les stratégies à explorer pour résoudre ce problème. Pour lui, aucune petite mesure ne doit être négligée pour parvenir au désengorgement des prisons. « Pour peser en amont sur les flux des détentions, vous pouvez opter pour la liberté provisoire entourée de garantie de contrôle judicaire sévère et ou de caution, dans nombre d’infractions que l’on pourrait, à raison considérer comme simples ou de moindre gravité », a recommandé le ministre Agbétomey aux magistrats.
Il a aussi suggéré que lorsque la personne présentée au parquet ou au juge d’instruction reconnaît les faits qui lui sont reprochés, que sa mise en liberté soit envisagée dans le cadre d’une procédure simplifiée et très rapide. Le ministre a en outre convié les acteurs de la chaîne judiciaire à plus de diligence dans les interrogatoires, réquisitions ou réquisitoires, rapports en cas d’appel, transmissions de dossiers entre juges. Il les a enfin exhortés tout en ayant à l’esprit de ne pas cultiver l’impunité, à privilégier la liberté, étant attendu selon la constitution que celle-ci est la règle et la détention une mesure exceptionnelle.
Pour le président de la CNDH, Alilou Sam-Dja Cissé, la détention provisoire qui est à l’origine de la surpopulation carcérale compromet la garantie d’un procès équitable et remet en cause la présomption d’innocence. « Elle comporte aussi un risque croissant d’extorsion d’aveux ou de déclaration sous l’effet de la torture ou autres mauvais traitement. Elle peut également retentir gravement sur la vie de l’inculpé. Le dossier de ce dernier peut influer sur la peine qui serafinalement prononcée, surtout si l’inculpé demeure toujours emprisonné lors du jugement », a-t-il ajouté.
Selon lui, en principe la détention provisoire ne peut être envisagée qu’au cas où il existe de motifs raisonnables de penser qu’une personne a commis une infraction, et que la détention est nécessaire et proportionnée afin d’empêcher cet individu de prendre la fuite, de commettre une autre infraction ou d’interférer avec le cours de la justice dans le cadre de procédures en instance.